Si mes complices du Jifa Bookclub sont au fait de ma passion pour le théâtre depuis ma plus tendre enfance, il se peut que vous, chers lecteurs et lectrices adoré.e.s, ne le sachiez pas encore ! Originaire du Congo Mfoa, où le théâtre est un art à la fois vivant et populaire, j’ai eu la chance d’assister à des adaptations d’écrivains tels que Sony Labou Tansi, Sylvain Bemba, Henri Lopes ou encore Tchicaya U Tam’si, qui m’ont fascinée par leur verve, leur humour, leur engagement et leur poésie. Grâce à mes voyages dès mon enfance, j’ai pu explorer d’autres formes théâtrales : le théâtre chinois, avec ses masques, ses marionnettes et ses acrobaties ; le théâtre de Shakespeare, avec ses intrigues, ses personnages et sa langue ; le théâtre Nô, avec sa sobriété, sa musicalité et sa spiritualité ; et bien entendu, le théâtre français, où se trouvent mes favoris, Molière, Racine, Corneille et Jean Genet. C’est en me remémorant mes coups de cœur pour les adaptations théâtrales des romans Le mec de la tombe d’à côté de Katarina Mazetti et En attendant Bojangles d’Olivier Bourdeaut que m’est venue l’idée d’inclure cette thématique aux célébrations de la Journée Internationale de la Femme Africaine 2023, en vous proposant quelques livres de notre sélection qui pourraient être admirablement adaptés au théâtre.
Voici les huit œuvres de notre sélection qui, de mon point de vue, constitueraient de magnifiques adaptations théâtrales.
Chêne de bambou : Liss Kihindou
Le sujet : Il s’agit d’un roman épistolaire qui raconte la correspondance entre deux amies, Inès et Miya, qui se retrouvent via Internet après de longues années de séparation. L’une vit en Occident, l’autre en Afrique. Elles échangent sur des sujets variés, comme la mode, le mariage, l’homosexualité, le racisme, la vieillesse, mais aussi sur le métier d’écrivain.
L’adaptation : Ce roman me semble propice à une adaptation théâtrale car il met en scène deux voix, deux regards, deux sensibilités qui se confrontent et se complètent. Le dialogue entre les deux amies pourrait être rendu vivant par des échanges de mails projetés sur un écran ou lus à voix haute par les comédiennes. Le contraste entre les deux univers, l’Occident et l’Afrique, pourrait être souligné par des décors, des costumes, des musiques et des lumières différents. .
Une si longue lettre : Mariama Bâ
Le sujet : Il s’agit également d’un roman épistolaire qui relate la vie de Ramatoulaye, une femme sénégalaise qui vient de perdre son mari. Elle lui adresse une longue lettre dans laquelle elle retrace leur histoire d’amour, leur mariage, leur vie de famille, mais aussi les épreuves qu’elle a dû affronter, comme la polygamie, l’infidélité, le divorce et le deuil.
L’adaptation : Ce roman me semble adapté à une adaptation théâtrale car il offre un portrait intime et poignant d’une femme qui lutte pour sa dignité et son indépendance dans une société patriarcale et traditionnelle. Le monologue de Ramatoulaye pourrait être interprété par une comédienne qui s’adresserait directement au public ou à un portrait de son mari. Le décor pourrait être minimaliste, avec quelques objets symboliques comme une enveloppe, une plume, un miroir ou un voile. La musique et les chants pourraient accompagner les moments forts du récit et créer une atmosphère émouvante.
Polygamiques : Nathasha Pemba
Le sujet : Il s’agit d’un recueil de nouvelles qui explore le thème de la polygamie à travers le regard de différentes femmes : épouses légitimes ou secondaires, filles ou mères de polygames, victimes ou complices de cette pratique. Ces nouvelles dénoncent les souffrances, les humiliations, les violences et les injustices que subissent les femmes dans un système qui les réduit à des objets ou à des rivales.
L’adaptation : Ce recueil me semble intéressant pour une adaptation théâtrale car il propose une diversité de personnages, de situations et de tonalités qui pourraient donner lieu à des scènes variées et contrastées. Les comédiennes pourraient jouer plusieurs rôles et changer de costume ou d’accessoire pour marquer les transitions. Le décor pourrait être modulable et représenter tour à tour une chambre à coucher, une cuisine, un salon ou un tout autre lieu évocateur.
Sincères condoléances : Gisèle Ayaba Totin
Le sujet : Il s’agit d’un recueil de nouvelles qui aborde le thème du deuil dans la culture africaine. Les nouvelles racontent comment les personnages font face à la mort d’un proche : un mari, un père, un frère, un ami… Elles montrent les rites funéraires, les coutumes ancestrales, les croyances religieuses, mais aussi les conflits familiaux, les hypocrisies sociales, les détresses personnelles et les espoirs de résilience.
L’adaptation : Ce recueil conviendrait bien à une adaptation théâtrale car il offre une réflexion sur le sens de la vie et de la mort, sur le rapport à l’autre et à soi-même, sur la tradition et la modernité. Les comédiens pourraient jouer plusieurs rôles et changer de registre selon les nouvelles. Le décor pourrait être sobre et évoquer un lieu de recueillement, comme une église, une mosquée, un cimetière ou une maison. La musique et les danses pourraient rythmer les scènes et exprimer les émotions des personnages.
Afropean Soul et autres nouvelles : Léonora Miano
Le sujet : Il s’agit d’un recueil de nouvelles qui explore le thème de l’identité afro-européenne, c’est-à-dire le fait d’être à la fois africain et européen, d’appartenir à deux cultures, deux histoires, deux réalités. Les nouvelles mettent en scène des personnages qui vivent en Europe et qui cherchent à se définir, à s’affirmer, à s’aimer et à se respecter dans des sociétés où ils sont souvent marginalisés, stigmatisés ou invisibilisés.
L’adaptation : Ce recueil me semble propice à une adaptation théâtrale car il propose une vision plurielle, nuancée et originale de l’afropeanité, un concept qui interroge le rapport à l’altérité, à la diversité et à la citoyenneté. Les comédiens pourraient jouer plusieurs rôles et changer de langue ou d’accent selon les nouvelles. Le décor pourrait être constitué d’éléments symboliques qui évoquent l’Afrique et l’Europe, comme des drapeaux, des cartes, des photos ou des objets.
Le livre de Memory : Petina Gappah
Le sujet : Il s’agit d’un roman qui raconte l’histoire de Memory, une jeune femme zimbabwéenne qui est condamnée à mort pour le meurtre de son père adoptif. Elle écrit son récit depuis sa cellule, en s’adressant à un journaliste américain qui s’intéresse à son cas. Elle revient sur son enfance dans un bidonville, sur son adoption controversée, sur sa vie dans une maison luxueuse, sur sa relation avec son père adoptif, sur les circonstances de sa mort et sur son procès.
L’adaptation : Ce roman me semble parfait pour une adaptation théâtrale car il offre un portrait complexe et touchant d’une femme qui cherche à comprendre son passé, à assumer sa responsabilité et à réclamer sa vérité. Le monologue de Memory pourrait être interprété par une comédienne qui s’adresserait directement au public ou alors dans un face à face. Le décor pourrait être minimaliste, avec quelques éléments qui rappellent la prison, comme des barreaux, une couverture ou une gamelle. La musique et les chants étant présents dans l’ouvrage, ils pourraient accompagner les moments forts du récit.
Ce soir, je fermerai la porte : Edna Merey-Apinda
Le sujet : Il s’agit d’un recueil de nouvelles interrogeant les rapports mères-filles à travers les histoires d’amour, de désir, de trahison et de violence de plusieurs jeunes femmes gabonaises. Ces nouvelles dévoilent les secrets, les fantasmes, les frustrations et les rêves de ces femmes qui cherchent à s’épanouir dans une société où elles sont souvent soumises aux hommes, aux traditions et aux préjugés.
L’adaptation : Ce recueil me semble convenir à une adaptation théâtrale car il propose une vision contemporaine, citadine, réaliste, sensible et critique de la condition féminine au Gabon. Les comédiennes pourraient jouer plusieurs rôles et changer de ton ou d’expression selon les nouvelles. Le décor pourrait être constitué d’éléments qui évoquent le quotidien, l’intimité ou la sensualité des femmes, comme des vêtements, des bijoux, des fleurs ou des parfums.
Le bonheur comme l’eau : Chinelo Okparanta
Le sujet : Le recueil explore les réalités sociales et culturelles du Nigéria et de l’Amérique à travers les difficultés et les sacrifices des personnages dans leur quête du bonheur, abordant des thèmes tels que l’infidélité, la stérilité, le blanchiment de la peau, l’homosexualité, l’immigration et la religion, tout en offrant des moments de joie, d’espoir et d’amour, et remettant en question les normes culturelles.
L’adaptation : Ce recueil conviendrait bien à une adaptation théâtrale car il offre une palette diversifiée de situations poignantes sur des sujets tabous souvent occultés ou condamnés au Nigéria qui restent difficiles aux Etats-Unis pour les immigrantes. En fonction des thèmes, les comédien.n.es pourraient jouer plusieurs rôles et changer de posture ou de regard selon les nouvelles. Le décor pourrait être sobre et sombre, avec quelques touches de couleur ou de lumière qui symboliseraient l’espoir ou le bonheur des femmes. une scénographie diversifiée, avec des décors reflétant les lieux des différentes nouvelles, des costumes distincts évoquant les cultures et époques variées, et des accessoires symboliques pour accentuer les thèmes clés.
Ces récits authentiques et fictifs nous ouvrent les portes du passé, nous faisant ressentir la résonance du vécu et l’écho des époques. Alors, chers lecteurs et lectrices, je vous invite à explorer cette inestimable galerie d’ouvrages. Partagez vos pensées et vos coups de cœur dans les commentaires, car c’est ensemble que nous élevons ces récits au rang de trésors intemporels.
Je vous espère déjà !
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