Le club qui lit les autrices africaines

Incipit : Bris d’ombre de Sokhna Benga

Pour découvrir les livres autrement sur le blog du Jifa Bookclub, nous présentons depuis avril dernier les incipit des 57 ouvrages de la sélection 2020-2021.

Pour information : un incipit est le terme qui désigne les premiers mots (ou paragraphes) d’une œuvre littéraire.

Ouvrage du jour : Bris d’ombre

Genre : Roman
Année de publication : 2016
Nombre de pages : 264
Éditeur : L’Harmattan
Collection : Harmattan Sénégal

Les jours indifférents

Un hôpital psychiatrique anonyme. Un treize avril tout aussi anonyme.
La tête sevrée de questions, à priori sans queue ni tête pour tout non initié. Pourquoi mon histoire débute-t-elle le treize ? Où sont les clés de Ma porte ? Celle qui doit à jamais fermée. Ma seule barrière contre le mal. Contre le mal, dis-tu ? me demande une voix assassine. Seul le silence me parvient en écho. Silence assourdissant qui me noue les tripes et crée la panique en moi. Je préfère, en ces moments terribles, serrer mes draps à les déchirer.

En ce treize avril anonyme, la porte de ma chambre s’ouvre, laissant humer une nouvelle odeur d’éther et de souffrances. Une Ombre s’approche du lit à montants froids qui m’abrite, — moi-même ombre perdue gisant là, enveloppée de blancheur —. Elle ose tirer le tabouret tout aussi blanc vers Elle, effleurer mon visage couvert de gouttelettes de sueur au goût salé. Mes yeux descendent vers ses mains crispées sur son sac à main en velours et crocodile. Pauvre animal qui a un sort meilleur que le mien.

“Désirée…”, me dit l’intruse en se tortillant sur son siège.

Désirée… A ma naissance, il signifiait quelque chose de sublime, avant que sa magie ne s’envole, les ailes éclatées par le tourniquet du destin ironique. La panique me paralyse. Je veux m’enfuir d’abord… loin, très loin ; puis fondre sous mes draps. Disparaître.

“Tu n’as pas à avoir peur, Désirée.”

Ne peut-Elle pas se taire enfin ? Horrifiée, je vois cette main boudinée se tendre de nouveau vers mon front. Je respire bruyamment. Je ne peux me retenir le sentiment d’oppression, de bête traquée qui monte en moi. Mes lèvres pincées, torturées dans un désespoir silencieux. Mes doigts gourds.

Avez-vous lu le roman de Sokhna Benga ? Souhaiteriez-vous rejoindre un groupe de (re)lecture commune ?

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