Le club qui lit les autrices africaines

Page 31 : Bris d’ombre de Sokhna Benga

Puisque le 31 juillet est la date célébrant la Journée Internationale de la Femme Africaine, j’aime l’idée de faire un clin d’œil à cette date en choisissant d’explorer au fil des mois ce qui se cache derrière les pages 31 des ouvrages de la sélection.

Après vous avoir présenté son incipit, voyons ce qu’il en est de la page 31 du roman de Sokhna Benga.

Bris d’ombre – Page 31

… voix que je suis seule à entendre : Il est mort en janvier, Désirée, explique-t-elle devant mon regard interrogateur.

– Tu ne portes pas des tenues de veuve ? »

J’écris ces mots, tout en m’en voulant à mort pour cette curiosité qui pourrait prêter à confusion.

« Nous nous sommes séparés un mois avant sa mort… Je ne peux pas tout te dire devant ces inconnus… ça me gêne… IL . il s’est attaqué à… à une autre… enfant, murmure-t-Elle incapable d’arrêter ses messes basses. »

Abasourdie, je la vois reprendre sa place initiale et éclater en sanglots, mouchoir à la main. Chat échaudé ne peut tomber dans un piège aussi vieux que le monde. Elle n’a aucune sensibilité. De toute ma vie, je ne l’ai vu verser une seule larme même à la mort de Clair. D’un trait de plume péremptoire, je mets le holà sur cette comédie grotesque qui semble attendrir le médecin d’ordinaire plus intelligent.

J’ai décidé de m’investir dans la religion, de dédier mon existence tout entière au Christ pour racheter mes crimes.

Tu es pure, Désirée. Tu n’as jamais commis le moindre des crimes dont tu t’affliges. Laisse-moi reprendre ma place dans ta vie. Je t’en prie, souffle-t-Elle en me prenant la main dans un geste qui se veut désespéré. »

Je ne supporte pas cette comédie du paraître. Encore moins qu’elle joue ainsi de ma sensibilité en pleurant aux moments qu’il faut, en osant des gestes qui ne lui sont plus permis. Je ne veux plus subir cette tyrannie sentimentale, plus l’entendre.

« Ma décision est prise.»

Je me lève et sors de la pièce. Je l’entends m’appeler par un prénom pour lequel je prévois des funérailles imminentes.

« Désirée… hurle-t-Elle. Comment peux-tu prendre des décisions sans… ?

Laissez-lui le temps, dit le médecin. »

Je ne veux plus la revoir. Plus jamais !

Demain, une nouvelle vie commence pour moi et c’est cela qui doit revêtir une importance. Je ne veux pas entendre les sanglots de cette femme. Ni penser la mort de mon tortionnaire. Je veux être loin. Très…

Avez-vous lu ce roman de Sokhna Benga ? Tenté.e.s par une (re)lecture commune ?

Add Comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *