“La lecture est une amitié”, disait Marcel Proust. Quoi de plus agréable que de partager ses coups de cœur littéraires avec des amis, des collègues, voire même des inconnus ? C’est une tradition que nous entretenons depuis près d’une décennie au sein de notre comité de lecture. Tous les quinze jours, nous nous réunissons pour célébrer la littérature autour de mets délectables, de boissons enivrantes et bien sûr, pour échanger passionnément sur nos lectures. C’est donc tout naturellement que je suis une fidèle du Festival du Premier Roman de Chambéry, une manifestation organisée par l’association Lectures Plurielles depuis 1987. Cet événement unique en France met à l’honneur la littérature contemporaine, en français mais également dans d’autres langues telles que l’allemand, l’anglais, l’espagnol, l’italien ou encore le roumain.
Dans notre joyeux Jifa Bookclub, composé de Caroline, Mawuli, Gabriella et moi-même, nous avons récemment entrepris une aventure littéraire : explorer le monde fascinant des autrices africaines. Parmi les 49 romans que nous avons lus et discutés au cours des deux dernières années, se trouvent des œuvres marquant l’entrée d’une autrice dans le monde littéraire, avec toute la fraîcheur, l’audace et la singularité que cela implique. En tant que membre du réseau international de lecteurs participant à la sélection des auteurs invités au Festival, j’ai eu envie de partager cette expérience unique avec mes complices en leur lançant un défi excitant : choisir parmi notre sélection de 57 autrices africaines les premiers romans qui les ont le plus marqués.
En attendant de découvrir leurs choix, permettez-moi de vous présenter trois premiers romans de la sélection du Festival du Premier Roman correspondant à notre ligne éditoriale qui ont particulièrement captivé mon attention.
Bibiche : Raozy Pellerin
un roman bouleversant qui retrace le parcours d’une réfugiée congolaise cherchant à obtenir l’asile en France. Bibiche nous livre son histoire avec une force et une dignité qui suscitent l’admiration. Témoignage romancé d’une réalité poignante, il aborde l’exil et la quête d’identité avec une profondeur émouvante. La pudeur, les souffrances et l’amour de la vie de Bibiche m’ont profondément touchée.
La nièce du taxidermiste : Khadija Delaval
Voici un roman intrigant sur les secrets de famille et les non-dits. La narratrice Baya, âgée de 12 ans, revient en famille à Hammamet, en Tunisie, lors d’un été marqué par l’irruption de la violence et des tabous dans son univers enfantin. Ce récit initiatique explore avec finesse les thèmes de l’identité, de la sexualité, de la résilience et du pouvoir féminin.
And last, but surely not least…. Ainsi pleurent nos hommes : Dominique Celis
Un roman troublant et inédit qui m’a profondément émue à travers la voix d’Erika, une Rwandaise passionnée qui souffre de la perte de son amour et écrit des lettres à sa sœur depuis Kigali en 2018. C’est la première fois que je lis un roman sur le génocide rwandais et les conséquences déchirantes qu’il a eu sur la vie et l’amour des survivants.
En dehors de notre ligne éditoriale, mes papillonnages littéraires m’ont également mené vers des trésors inattendus que je me dois de partager avec vous, chers lecteurs et lectrices adoré.e.s.
Les virtuoses de Brooklyn : Fabienne Lips-Dumas
Un roman musical qui m’a transporté dans un univers enchanteur. Suivre le singulier trio formé par Anton Bauer, un jeune pianiste talentueux vivant dans un sous-sol de Brooklyn, Dorothée, une chanteuse lyrique extravagante et solaire, et Maud Szabor, ancienne élève de Franz Liszt qui le prépare au concours international Liszt, fut un véritable enchantement.
La femme périphérique : Sophie Pointurier
Superbe roman qui entremêle art, édition, histoire et mystère. L’exploration de la disparition d’un artiste allemand nommé Peter Wolf et du rôle de sa femme Petra dans sa carrière et le milieu de l’art, m’a fait voyager avec humour et de nombreux retours en arrière dans une Allemagne divisée par le Mur de Berlin, ainsi que dans les Paris, Berlin et New York d’aujourd’hui pour découvrir la vérité sur cette affaire qui secoue le monde de l’art.
Rouge nu : Benjamin De La Forcade
Nom de diou, de nom de diou, voici un livre dont le style a fait vibrer mon âme de lectrice. Pourtant ce récit, qui m’a évoqué des séries télévisées telles que “Damages” et “New York Section Criminelle”, raconte l’histoire d’Ezra, un jeune peintre qui part à Berlin pour apprendre auprès du célèbre Andréas Mauser. L’auteur construit son récit avec finesse, dévoilant progressivement son sujet et créant ainsi du suspense. Tous les personnages secondaires ont une raison d’être, à l’instar des pions d’un échiquier, chacun nous permet de mieux appréhender cet étrange et pourtant si attachant héros malgré lui ?
Par-delà l’attente : Julia Minkowski
Un roman judiciaire comme je les aime ! Celui-ci met en scène l’avocate des sœurs Papin, accusées d’un double meurtre en 1933. J’ai été ébaubie par la personnalité et le parcours de Me Germaine Brière, une femme courageuse et déterminée qui a dû affronter le machisme de sa profession. Si l’héroïne m’a plu par justement ses aspérités, j’avoue une faiblesse pour sa fantasque, audacieuse et ambitieuse mère et un engouement particulier pour la peinture de l’époque.
Mourir avant que d’apparaitre : Rémi David
On me l’avait présenté comme un roman qui retrace la passion entre Jean Genet et Abdallah, un acrobate de cirque, la muse de son poème Le funambule. J’y vois surtout, les tours et détours d’un serial pygmalion : le besoin de l’un est la réponse de l’autre. Difficile dans ces cas là, de dire qui de l’œuf ou de la poule. SouRIRES ! Ce qu’il m’en reste ? Une lecture intense, souvent drôle et toujours instructive, recréer une histoire vraie est une gageure que David réussit en multipliant les personnages. Comme dirait Bécaud : Et maintenant ? Relire Genet, en savoir plus sur Monique Lange, puis revenir à ce roman.
Rooh ! Cet article a suscité en moi une émotion que je n’attendais pas. Il m’a rappelé mes tout premiers pas dans l’univers des livres. Mon père, grand amateur était harcelée par bibi, sa petite fille curieuse pour qu’il lui raconta ses lectures. Dès que j’ai appris à lire, ces échanges sont devenus un rituel précieux. Je me souviens encore de l’excitation que je ressentais en découvrant que mes propres préférences pouvaient différer des siennes, sans que cela ne porte atteinte à notre complicité. “Agree to disagree”, comme on dit. J’aurais tant aimé partager mes coups de cœur littéraires de l’année 2023 avec lui.
Et vous, chers lecteurs et lectrices adoré.e.s, quels premiers romans ont enflammé votre cœur depuis septembre 2022 ? Je vous espère dans les commentaires.
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