Pour découvrir les livres autrement sur le blog du Jifa Bookclub, nous présentons depuis avril dernier les incipit des 57 ouvrages de la sélection 2020-2021.
A titre d’information pour qui en a besoin : un incipit est le terme qui désigne les premiers mots (ou paragraphes) d’une œuvre littéraire.
Ouvrage du jour : Sous le regard du Lion
Genre : Roman
Année de publication : 2012
Nombre de pages : 352
Éditeur : Actes Sud
Collection : Lettres africaines
Traduction : Céline Schwaller
Précédente édition : W. W. Norton & Company (2010)
Une fine veine bleue palpitait dans la flaque de sang qui se formait à l’endroit où une balle s’était logée profondément dans le dos du garçon. Hailu transpirait sous la chaleur des lampes puissantes de la salle d’opération. Il sentait une pression derrière ses yeux. Il inclina la tête d’un côté et la main déjà tendue d’une infirmière épongea la sueur de son front. Il regarda à nouveau son scalpel, le sang luisant et les chairs déchirées, et il tenta d’imaginer la ferveur qui avait conduit ce garçon à se croire plus fort que la police parfaitement entraînée l’empereur Hailé Sélassié.
Ce garçon était arrivé tremblant et baignant dans son sang, vêtu d’un jean pattes d’éléphant à la dernière mode américaine, et, à présent, il ne bougeait plus. Les cris de sa mère n’avaient pas cessé. Hailu l’entendait encore juste derrière ces portes, dans le couloir. D’autres portes conduisaient dehors, où un affrontement avait lieu entre étudiants et forces de l’ordre. Bientôt, d’autres étudiants blessés rempliraient les salles d’urgence et il faudrait tout recommencer. Quel âge avait ce garçon ?
-Docteur ?” dit une infirmière, ses yeux cherchant les siens au-dessus de son masque chirurgical.
Le moniteur cardiaque émettait des bips réguliers. Tout était normal, Hailu le savait sans même regarder, il était capable de comprendre le langage silencieux du corps sans l’aide des machines. Des années de pratique lui avaient appris à déchiffrer ce que la plupart des patients étaient incapables d’exprimer. Ces derniers jours lui avaient enseigné autre chose : que la fragilité de nos corps part du cœur et remonte jusqu’au cerveau.
Avez-vous lu le roman de Maaza Mengiste ? Souhaiteriez-vous rejoindre un groupe de (re)lecture commune ?
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