Après vous avoir présenté son incipit, voyons ce qu’il en est de la page 31 du roman de Fatou Diome.
Pourquoi la page 31 ?
Deux raisons : la première est que le 31 juillet est la date célébrant la Journée Internationale de la Femme Africaine. La seconde qu’Aoua Keita en fut l’instigatrice et qu’elle est la muse du Jifa Bookclub. Ainsi curioser dans les pages 31 des ouvrages de la sélection est un voyage vers l’inconnu pour vous et moi.
Celles qui attendent – Page 31
Supporter, sans supputer d’issue, elle ne connaissait que cela. Alors, elle courait, titubait, trébuchait, tombait, se relevait et poursuivait son chemin, sans jamais se débarrasser de son fardeau. Il y’a tant d’Hercule hors de l’arène. Tous ces gens qui savent qu’ils ne seront jamais honorés pour les prouesses qu’ils accomplissent au quotidien et qui ne réclament rien, Arame était de ceux-là.
Lorsqu’elle poussa son portail, la ruche de ses petits-enfants bourdonnait près de la cuisine. Ils se chamaillaient, se disputaient leurs rares jouets, à défaut d’attraper la gamelle pleine qui dansait sur les mirages. Ils devinaient, de l’autre côté du mur, les voisins en train de déjeuner. un appétissant fumet leur chatouillait les narines et c’était trop pour leurs sens en éveil. La faim qui les grignotait de l’intérieur avait eu raison de leur patience. Pour une poupée de chiffon, on baffait la sœur ; pour un ballon dégonflé, on cognait le frère ; pour un regard de travers, les coups partaient. On s’écharpait, on s’éreintait, on se cramponnait l’un à l’autre, parce qu’on ne savait par quel bout prendre une vie qui n’offrait que la faim. Et boum ! Si la vie avait une gueule, elle serait salement cabossée. Et boum ! Les coups se trompent si souvent de destinataire. Et boum ! Boum !
-Hey, çà suffit ! lança Arame, mettant ainsi un terme au pugilat.
Dès qu’elle fut à leur hauteur, chacun posa sur elle des yeux inquiets où flottaient des points d’interrogation.
-Oui, je sais, dit-elle, le déjeuner est en retard. Mais comme vous le voyez, je rentre des courses. S’il plaît à Dieu, vous allez manger avant de retourner à l’école, je ferai vite, si vous me laissez cuisiner en paix.
Le poisson et les légumes, qu’elle avait nettoyés avant de se rendre à la boutique, égouttaient dans un petit panier en osier posé sur une étagère de fortune.
Avez-vous lu le roman de Fatou Diome ? Tenté.e.s par une (re)lecture commune ?
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