Le club qui lit les autrices africaines

Page 31 : Rue Félix-Faure de Ken Bugul

Voyager au cœur de toutes les pages 31 des ouvrages de la sélection du Jifa BookClub, c’est l’occasion de découvrir un livre de manière amusante tout en faisant un clin d’œil au 31 juillet qui est la date de célébration de la Journée Internationale de la Femme Africaine.

Après vous avoir présenté son incipit, voyons ce qu’il en est de la page 31 du roman de Ken Bugul.

Rue Félix-Faure : Page 31

… …maisons, assises sur des chaises, apprêtées pour le rendez-vous avec leur rue. Les hommes portaient des chemises à manches courtes, avec des nœuds papillons. Les femmes portaient des canotiers :aux rebords fleuris. Leurs robes, froncées à la taille, se soulevaient doucement au souffle discret d’un petit vent, et on pouvait apercevoir furtivement un genou brillant sous un jupon en dentelle amidonnée. La rue Félix-Faure était une rue élégante. La rue Félix-Faure était une rue de classe. C’était la rue des gens de classe. Une classe injustement classée par tous les autres qui en manquaient, parce qu’ils n’habitaient pas rue Félix-Faure. Les deux gros policiers sentaient l’alcool et la femme. Dans la rue Félix-Faure, à cette heure, c’était de rigueur ou plutôt c’était exigé. Pour être membre agréé de la rue Felix-Faute, il fallait cela aussi. Surtout à cette heure où l’autre face de la rue allait se dévoiler. Et pourtant les habitants de la rue Félix-Faure n’étaient pas ceux qui occupaient la nuit à partir d’une certaine heure. C’étaient d’autres personnes venues d’ailleurs. Des personnes qui habitaient dans des ailleurs qui ne convenaient pas à leurs rêves. Quand, dans le manque de choix, ces personnes n’en pouvaient plus d’étouffer dans ces ailleurs-là, elles se dirigeaient rue Félix-Faure et là, elles se sentaient vivre. Pour retourner dans leurs ailleurs, c’était la déprime existentielle qui les accompagnait, et elles attendaient impatiemment que le soir tombât, pour à nouveau se ruer dans la rue du rêve, la rue de l’espérance doublée de patience, la rue de Dieu. Les deux gros policiers étaient toujours là, debout, les jambes écartées, comme s’ils voulaient vider leurs vessies ou leurs intestins sur le corps découpé en gros morceaux du grand lépreux, dont les yeux éclataient de rire devant le spectacle qu’ils offraient. Les chaussures à grosses semelles des deux policiers étaient déformées par leur poids, et leur apparence…

Avez-vous lu le roman de Ken Bugul ? Envie d’en faire une prochaine (re)lecture commune ?

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