Le club qui lit les autrices africaines

Page 31 : Vert cru de Touhfat Mouhtare

Fureter au cœur de toutes les pages 31 des ouvrages de la sélection du Jifa BookClub, c’est l’occasion de découvrir un livre de manière amusante tout en faisant un clin d’œil au 31 juillet qui est la date de célébration de la Journée Internationale de la Femme Africaine.

Après l’incipit, plongeons dans la page 31 du premier roman de Touhfat Mouhtare

Pourquoi la page 31 ?

Deux raisons : la première est que le 31 juillet est la date célébrant la Journée Internationale de la Femme Africaine. La seconde qu’Aoua Keita en fut l’instigatrice et qu’elle est la muse du Jifa Bookclub. Ainsi curioser dans les pages 31 des ouvrages de la sélection est un voyage vers l’inconnu pour vous et moi.

Vert cru – Page 31

… à chaque épreuve de la vie, Majdouline ne pleura jamais, jusqu’à, ce funeste matin, dans ce minuscule hôpital de Majunga, sur l’île de Madagascar. Allongée sur un lit trop dur, elle venait, d’accoucher d’une petite fille. Entre les mains de la bonne sœur qui venait de l’accoucher, l’enfant hurlait, les yeux formés, et il sembla à Majdouline qu’elle tendait les bras vers elle. Majdouline supplia la bonne sœur de poser l’enfant sur sa poitrine, de la laisser serrer cette chose, cette petite chose toute glissante, toute fragile, toute aimée, dans ses bras. Elle la sentait, elle la voyait, à travers ses yeux bandés ; elle pouvait voir au-delà de la vue que cette enfant était belle, elle pouvait deviner la couleur de ses yeux, elle savait la forme de sa bouche, le teint de sa peau. Elle savait, à travers le bandeau noir qui l’empêchait de voir son enfant, que son enfant lui ressemblait.

Puis les cris s’éloignèrent, s’arrachèrent à son ouïe. Et avec eux, le cœur de Majdouline. Après une brève étreinte, on lui reprit l’enfant.

La première fois que Majdouline pleura, ce fut d’une indicible détresse. A l’instant où les larmes coulèrent sur ses joues, elle prit la résolution de ne jamais plus obéir à Peggy, et de pleurer, pleurer, pleurer jusqu’à ce qu’elle fût aveugle. Ses yeux aux larmes survécurent cependant ; mais son cœur, tel celui de Jacob, se ferma dès lors au monde. Seul Habib était parvenu à l’y ouvrir à nouveau.

Majdouline accoucha au milieu du mois de novembre, qui correspondait cette année-là au mois de Ramadhân chez les musulmans. Elle accoucha loin de Habib, avait cessé de voir depuis cette nuit-là, dans une pièce du couvent, les yeux bandés. Trop affaiblie, trop honteuse aussi, elle ne protesta pas quand on emporta la fillette. Ce n’est que deux mois après, quand elle eût pleuré toutes les larmes de son corps, qu’elle décida que c’était inadmissible, que l’on avait eu tort de la séparer de son enfant.

Avez-vous lu le roman de Touhfat Mouhtare ? Tenté.e.s par une (re)lecture commune ?

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